La revue de presse académique #8
Voici la 8ème édition de la revue de presse académique, en temps de crise sanitaire, rédigée par nos enseignants-chercheurs.
Bonne lecture !
Le site Tendance Droit reprend une compilation d’articles de la Semaine Juridique consacrés à la crise du coronavirus, notons cette semaine, les articles de :
- Patrick Wachsmann, professeur émérite à l’université de Strasbourg, IRCM : « Les libertés et les mesures prises pour lutter contre la propagation du covid-19 »,
- Xavier Dupré de Boulois, professeur à l’université Paris 1 PanthéonSorbonne (ISJPS UMR 8103) : « Éloge d’un état d’urgence sanitaire en « co-construction »,
- Jean-Jacques Ansault, agrégé des facultés de droit, professeur à l’université Panthéon-Assas (Paris II), Cyril Falhun, avocat au Barreau de Paris (Linklaters LLP) & Jean-Charles Jaïs, avocat au Barreau de Paris, associé (Linklaters LLP) : « La stratégie du créancier pendant la crise sanitaire »,
Droit international
Hélène De Pooter, maître de conférences en droit public à l’Université Bourgogne Franche-Comté, membre du Comité Global Health Law de l’International Law Association, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, propose dans The Conversation un article qui remet en perspective la crise que nous traversons avec les premiers accords sur la coopération sanitaire internationale en 1851, le contexte politique et économique de l’époque et celui que nous vivons aujourd’hui.
Droit de l’asile
Julian Fernandez et Thibaut Fleury Graff signent un article expliquant comment la crise sanitaire a permis de justifier une fragilisation des droits des demandeurs d’asile. Le dépôt des demandes d’asile, dans un premier temps suspendu, a repris dans des conditions précaires. En outre, les délais de recours devant la CNDA ont été fortement limités.
Protection de l’enfance
Les associations Médecins Sans Frontières et Médecins du Monde ont déposé un référé-liberté devant le tribunal administratif de Marseille pour obtenir la prise en charge en urgence de mineurs non accompagnés en attente d’évaluation ou ayant déjà fait l’objet d’une ordonnance de placement provisoire qui n’a pas été exécutée ;
Droit constitutionnel
Damien Fallon, dans un article intitulé Prolongation de l’état d’urgence sanitaire : le conseil constitutionnel reste confiné dans sa zone de confort publié sur JP blog, le blog de Jus Politicum, revue internationale de droit constitutionnel revient sur la décision du Conseil constitutionnel n° 2020-800 DC du 11 mai 2020, Loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions. Après avoir rappelé le principe de la saisine du Conseil constitutionnel et ses modalités – précision faite de ce que le Conseil constitutionnel est ici saisi par le Président de la République pour la 3ème fois seulement depuis le début de la Vème République – l’auteur précise le fond de la décision, laquelle était attendue sur les deux mesures phares de la loi : mesures de mise en quarantaine et de placement en isolement et collecte et partage des données médicales sans le consentement des intéressés. Quant aux premières, le Conseil constitutionnel a reconnu qu’elles consistent en des mesures privatives de liberté dès lors qu’elles interdisent purement et simplement toute sortie du domicile ou qu’elles imposent de rester dans son lieu d’hébergement « pendant une plage horaire de plus de douze heures par jour ». Quant aux secondes, le Conseil a prononcé une censure et émis trois réserves d’interprétation. Il a censuré le fait que le partage des données médicales, sans consentement de leurs destinataires, est étendu aux organismes qui assurent l’accompagnement social des intéressés (§70). Il a estimé que l’anonymisation des données relatives à la surveillance épidémiologique devait être étendue « aux coordonnées de contact téléphonique ou électronique des intéressés » (§67) ; que le pouvoir réglementaire devait intervenir pour préciser les modalités « de collecte, de traitement et de partage des informations assurant leur stricte confidentialité » (§73) et enfin que le recours à d’éventuels sous-traitants devait s’effectuer dans le respect des « exigences de nécessité et de confidentialité mentionnées aux paragraphes 71 à 73 » (§74).
Le 50ème anniversaire de la mort de René Capitant. Hommage à une grande figure de la république et de l’université, par Olivier Beaud, publié sur JP blog, le blog de Jus Politicum, revue internationale de droit constitutionnel.
René Capitant (1901-1970) est décédé le 23 mai 1970, il y a donc cinquante ans. A l’occasion de ce 50ème anniversaire, Olivier Beaud revient sur la carrière universitaire mais également politique de l’éminent juriste qui débuta sa carrière en tant que professeur agrégé de droit public à Strasbourg (1929-1940) et qui s’illustra par ses écrits sur le régime parlementaire français et le nazisme.
Actualité politique : élections municipales / création de groupe parlementaire
Dans un article intitulé Le difficile atterrissage municipal de LREM du 19 février 2020, Olivier Costa, Chercheur au Centre Émile Durkheim – CNRS/Sciences Po Bordeaux, propose une analyse du positionnement de LREM aux élections municipales 2020. Cette analyse présente un intérêt renouvelé au moment où le Premier ministre annonce la tenue du 2nd tour des municipales au 28 juin prochain et où la création d’un 9ème groupe baptisé « Écologie Démocratie Solidarité », composé de 17 députés macronistes et anciens macronistes, vient faire perdre sa majorité absolue à LREM au sein de l’hémicycle, à une voix près (LREM compte désormais 288 députés pour une majorité absolue établie à 289 sièges). Vendredi 22 mai, Edouard Philippe, accompagné du ministre de l’intérieur, Christophe Castaner a annoncé que le second tour des municipales se déroulera le 28 juin, avec plusieurs adaptations. Cette annonce n’a pas rencontré de consensus politique à l’issue de la réunion des chefs de partis qui s’est tenue le mercredi 20 mai.
Union européenne
EYE 2020 – European Youth Event : donner la parole aux jeunes pour qu’ils pèsent sur la politique de l’UE. Suite au report de l’EYE 2020 à cause de la pandémie, ‘‘EYE en ligne’’ (« EYE on line ») entre dans sa dernière semaine et offre aux jeunes de l’UE et au-delà la possibilité de rencontrer virtuellement et d’échanger avec des experts, des décideurs, des militants et des influenceurs. L’événement doit permettre de répondre aux préoccupations des jeunes concernant le rôle de l’UE dans le contexte de la crise du COVID-19, dans le cadre de la campagne #EuropéensContreLeCovid. Le programme a démarré le 7 avril, une fois qu’il était certain que l’événement bisannuel ne pourrait pas se dérouler à Strasbourg cette année à cause de la pandémie. Durant la dernière semaine, du 25 au 29 mai, les participants pourront débattre avec des intervenants de haut niveau tels que le Président du PE, David Sassoli, les vice-présidents Katarina Barley et Othmar Karas, la Présidente de la BCE, Christine Lagarde, ainsi que plusieurs commissaires européens et eurodéputés. Le Président du PE, David Sassoli, qui clôturera l’événement vendredi 29 mai, a déclaré : « Nous nous efforçons d’offrir des opportunités même dans les périodes difficiles. ‘‘EYE en ligne’’ amène la Rencontre des jeunes européens à un niveau supérieur en permettant à encore plus de jeunes de toute l’Europe et au-delà de participer au débat démocratique et de faire entendre leur voix et leurs idées pour l’avenir de l’Europe. Cet événement est devenu encore plus accessible et inclusif. ». Retrouvez le programme ici et le site à idées des jeunes Européens, plateforme sur laquelle les jeunes Européens peuvent partager leurs idées.
L’Union européenne reste le centre de gravité des stratégies économiques et politiques de sortie de crise. Crise économique de l’Allemagne, mobilité à l’intérieur de l’Union et difficultés des pays pauvres autour du continent, tels sont les trois véritables risques qui peuvent faire plonger l’Europe dans une crise existentielle, analyse l’historien Emmanuel Comte, dans une tribune au « Monde » en date du 23 mai 2020
Les pays «frugaux» de l’UE lèvent les boucliers contre le plan franco-allemand de relance. Les Pays-Bas, l’Autriche, le Danemark et la Suède ont présenté ce samedi 23 mai leur propre proposition de plan d’aide économique face à la pandémie de coronavirus. Les quatre « frugaux » rejettent toujours l’idée de mutualiser la dette européenne. Pour ces pays connus pour leur rigueur budgétaire, hors de question d’accepter la petite révolution pour l’Union européenne que représente le plan de Paris et Berlin de 500 milliards d’euros. Ils refusent également toute augmentation significative du budget de l’UE, comme l’envisage le plan franco-allemand. Ils plaident plutôt pour une modernisation de ce budget et souhaitent faire des économies « en redéfinissant les priorités dans les domaines les moins susceptibles de contribuer à la reprise ». En revanche, les dépenses liées au Covid-19 pourraient être privilégiées ou temporairement abondées. Compte tenu des sombres prévisions économiques pour cette année, « des fonds supplémentaires pour l’UE, quelle que soit la manière dont ils sont financés, pèseront encore plus sur les budgets nationaux », selon les quatre pays.
Frontières ouvertes ou fermées ? Le point sur la situation dans les pays de l’UE. Si la fermeture des frontières de l’espace Schengen s’est effectuée en quelques jours, la levée progressive de ces restrictions se fait dans le plus grand désordre. Alors que les mesures de confinement sont peu à peu levées, les États tentent désormais de rouvrir leurs frontières pour des raisons essentiellement économiques, le tourisme représentant 10 % du PIB et 12 % des emplois européens. Malgré les appels répétés de la Commission européenne à coordonner le mouvement, la fin des restrictions de déplacement se fait en ordre dispersé et dans une certaine cacophonie. Entre les États européens et jusqu’à la mi-juin, le passage des frontières intra-européennes est réservé aux déplacements essentiels. « Ce n’est pas une fermeture des frontières, mais un rétablissement des contrôles et de la discrétion bureaucratique », explique Virginie Guiraudon, directrice de recherche au CNRS et professeure à Sciences Po, spécialiste de l’immigration en Europe. Chaque État décidant des règles à appliquer, il est très difficile de s’y retrouver, tant les décisions de chaque pays évoluent de jour en jour.
Relations internationales
Bertrand Badie nous donne ses réflexions sur les contradictions internationales posées par la crise sanitaires actuelles. Selon lui, la résolution de ces contradictions devrait paralyser la scène international dans les années à venir : « La réflexion amorcée depuis quelques années a certes permis de progresser quelque peu dans la découverte de cette mutation qui, aujourd’hui, devient centrale : la substitution d’une sécurité globale à la vieille sécurité nationale qui est à la base de tout ce qui a été construit et pensé en termes de vie politique nationale et internationale ».
Histoire
« On ne peut plus définir l’épidémie comme personnage archaïque de ‘l’histoire d’hier’ » : Peste bubonique, choléra, fièvre, typhoïde, grippe espagnole… L’historienne Françoise Hildesheimer retrace l’histoire des épidémies et leurs conséquences jusqu’à aujourd’hui dans notre conception de la santé, du sanitaire et de la science. Voici un passage très riche sur une réflexion de Michel Foucault qui voyait dans le confinement une nouvelle forme de gouvernement qu’il appelle : « l’organisation disciplinaire » ou « le laboratoire des procédures disciplinaires » susceptible d’exploitation politique.
« Le temps de l’épidémie peut être vu comme la manifestation grandeur nature de la volonté étatique de contrôle universel, et la ville confinée comme lieu d’expérience du renfermement et du quadrillage policier. Foucault parle d’un « rêve politique de la peste », de « l’utopie de la cité parfaitement gouvernée ». Il explique dans Surveiller et Punir : « Pour faire fonctionner selon la pure théorie les droits et les lois, les juristes se mettaient imaginairement dans l’état de nature ; pour voir fonctionner les disciplines parfaites, les gouvernants rêvaient de l’état de peste ». Certes, mais il ne faut pas oublier le caractère temporaire du temps d’épidémie, qui limite la possibilité de son détournement politique au mépris des droits individuels aujourd’hui hautement revendiqués. Le sanitaire tel qu’il était conçu à l’époque était un moyen de lutte reposant sur l’exclusion, temporaire mais violent, coercitif et policier, supposant la mort en cas d’infraction. Il s’agissait d’une rupture de contrat, absolument pas d’hygiène. On n’en est évidemment plus là. Il reste qu’on a pu comparer temps de peste et Terreur : dans les deux cas, on trouve la peur, l’idée d’un complot, des suspects, la quête de boucs émissaires : « engraisseurs de peste », juifs, lépreux, sorciers, Bohémiens, émigrés… – Que dit Trump aujourd’hui ? La rancœur des pauvres, la peur de mesures restreignant les libertés, la dictature du pouvoir (local, central), la nécessité de maîtriser la violence sociale, de maintenir l’ordre, de défendre la propriété, de taxer les denrées… »
Dans cet article, trois auteurs – une historienne, un journaliste et un écrivain – remontent l’histoire pour montrer les réactions passées de l’homme face à des pandémies.
Dans ce passionnant article, Phillip I. Lieberman, historien social du monde islamique médiéval, offre un regard sur la manière dont les gens pensaient le rapport entre science et religion lors d’une pandémie dans le passé. Si la médecine donnait une partie de réponse essentielle à la peste, par exemple, les conseils spirituels permettaient également d’apaiser les âmes des souffrants. Le monde médiéval, souligne l’auteur, pourrait alors apprendre à ceux qui vivent le stress, la solitude et l’incertitude du coronavirus, que notre vie intérieure exige aussi de l’attention.
Dans la lettre de la revue Esprit du 22 mai 2020 : « Comprendre le monde qui vient » Joël Hubrecht signe ce très bel article intitulé : Refondation, rattrapage ou effondrement ? Entre redémarrage économique et urgence écologique, le gouvernement français est confronté à des choix déterminants. Les arbitrages seront rendus plus difficiles encore par un climat de défiance politique qui s’aggrave : « …De même que, dans le monde d’avant, on avait confondu prévention, précaution, et préparation, il se pourrait que, dans le monde d’après, on fasse la confusion entre réinvention et adaptation, en répondant à l’effroi immédiat soulevé par l’épidémie plutôt qu’aux effets insidieux de la montée des eaux, du déclin des espèces et de la pollution. Le monde d’après n’est pas prêt et celui qui se profile pourrait bien ressembler au monde d’avant revu et corrigé par la distanciation physique. »
Economie
Cecilia Poggin, économiste et chercheuse dans le domaine de la protection sociale (AFD) et Irène Salenson, PhD, chargée de recherches (AFD) co-signent un article dans The Conversation sur les impacts de la crise dans les pays en développement, notamment sur le travail informel. Elles pointent les carences des systèmes de santé et de protection sociale qui impactent les populations vulnérables et des secteurs entiers de l’économie qui ne peuvent subsister avec les restrictions de circulation et l’absence de trésorerie.
Contributeurs :
Monica CARDILLO, Carole COGNET, Sarah DURELLE-MARC, Sylvie HUMBERT, Léa JARDIN, Sonia LE GOURIELLEC
Article édité le 25 mai 2020
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