La revue de presse académique #4
Voici la 4ème édition de la revue de presse académique, en temps de crise sanitaire, rédigée par nos enseignants-chercheurs.
Bonne lecture !
Généralités :
L’inflation juridique ne s’est pas démentie depuis le début du confinement. Chaque semaine, cette revue académique se fait l’écho de nombreux textes, ordonnances, liées à la situation d’urgence sanitaire. Vous trouverez ICI- une compilation d’articles de la revue Semaine Juridique avec notamment un article de Nicolas Molfessis, professeur à l’université Panthéon-Assas (Paris II) sur le risque d’un « Far West » Juridique.
Un état des lieux essentiel sur les transformations du droit dans tous les secteurs liés la crise COVID 19 établi sous la direction de Katarina Pistor: Law in the Time of COVID-19
Le droit et son utilisation stratégique fait émerger une multitude d’actions en responsabilité aux dégâts de la crise COVID 19. Ce « Lawfare » augure d’un contentieux important qui marquera l’activité juridictionnelle pour les années à venir
Le système judiciaire se trouve complètement enrayé par la situation, notons une émission télévisée L’Info du Vrai – ICI, qui recense les situations de terrain et témoignages dans le domaine de la Justice (à mesurer bien entendu !). Il s’agit d’un reportage de l’émission du 21 Avril – curseur à la 55ème minute. Enfin, pour prendre un peu de hauteur, sur la situation économique, un article de Louis B. Buchman, avocat aux Barreaux de Paris et de New York, membre du Conseil National des Barreaux propose une vision prospective pour le métier d’avocat, intitulé avec humour « Avocat, Aide-toi et le ciel t’aidera – ICI ». Récemment, des dispositifs ont été mis en place pour soutenir économiquement les avocats ICI.
Enseignement du droit / Outils numériques :
En quelques semaines de nombreuses universités, dont la nôtre, ont basculé leurs enseignements en ligne, permettant aux cours de continuer à distance. Ces nouvelles pratiques ont pu déstabiliser mais aussi surprendre. Jeannie Suk, professeur de droit à Harvard revient sur ses premières impressions plutôt positives de la manière dont l’enseignement du droit se transforme à travers ces outils.
En effet, les premières angoisses passées, la dématérialisation a pu offrir un potentiel intéressant de renouvellement des enseignements. Amélioration du dialogue avec les étudiants à travers l’utilisation des chats favorisant les étudiants plus réservés, absence de déplacement, rupture avec les enseignements habituels sont quelques points qui peuvent être soulevés. Mais au contraire de l’impression ressentie par l’enseignante américaine précitée, d’aucuns ont peut-être eu le sentiment que les lien entre étudiants et enseignants mais également les liens entre les étudiants entre eux ont été quelque peu atteints par ce renouvellement imposé (pour un retour rapide de cette expérience voir la présentation dans l’émission Late Law Show créée par Marc Touillier » A propos de l’enseignement du droit « du confinement à la libération » » https://www.youtube.com/watch?v=Kpl74er9l-g&t=34s). Quoi qu’il en soit, l’expérience mérite, a fortiori parce qu’elle a fait l’objet d’une mise en œuvre très générale, d’être étudiée. Une telle réflexion vous sera proposée par l’université sous l’impulsion de Caroline Bouté-Crocq, Alicia Mâzouz et Ruth Sefton-Green lors de la prochaine journée « Pédagogiquement vôtre ». Elle aura lieu le 2 juillet, de manière dématérialisée, mise en abyme oblige.
Droit de la personne :
« …le caractère désagréable que revêtaient maintenant les formalités obligea la préfecture à écarter les parents de la cérémonie. On tolérait seulement qu’ils vinssent à la porte du cimetière et, encore, cela n’était pas officiel« . Elles résonnent comme un écho, un terrible écho ces lignes d’Albert Camus glissées dans la peste. Le sort des défunts mais surtout l’affliction des vivants est un point saillant de la crise sanitaire actuelle. Les témoignages se multiplient, narrant l’ineffable, le terrible départ. Comment faire son deuil quand l’au revoir est interdit ? Comment accepter la mort quand elle s’accompagne de la violence de la vénalité ? Le situation scandaleuse constituée par la demande d’un paiement aux familles pour conserver les corps des défunts dans la morgue temporaire de Rungis illustre parmi tant d’autres exemples la particularité de la situation actuelle dans laquelle nos morts sont aujourd’hui séparés des vivants avec une grande violence. Le dialogue nécessaire entre les vivants et les morts (voir en ce sens l’ouvrage Mariève Lacroix, Alicia Mâzouz, Valérie Menes-Rédorat (dir.), Dialogues entre le droit et la mort, Editions Yvon Blais, 2018) est ainsi brisé par des restrictions souhaitables mais peut être trop importantes (Voir la critique de Lisa Carayon en version audio ou écrite plus développée).
La période de crise sanitaire que nous vivons implique des adaptations juridiques. Un point sur les mesures prises relatives à la protection de l’enfance ICI.
Dans le contexte actuel de crise sanitaire, de nombreuses décisions médicales doivent être prises. Mais qu’en est-il lorsque la personne devant recevoir un acte médical est mineure ? Pour répondre à cette question, petit rappel sur les décisions relatives à la santé de l’enfant mineur juste ICI.
Droit du numérique :
Face à l’usage croissant des données numériques dans la lutte contre le COVID-19, des ONG et acteurs de la société civile comme Human Rights Watch et Amnesty International appellent a un strict respect des droits de l’Homme dans le déploiement d’outils numériques contre la pandémie
Comment évaluer les risques posés par les applications de traçage des contacts COVID 19? Une proposition pour une approche centrée sur l’humain.
Dans le cadre de la surveillance numérique accrue en temps de pandémie, pourquoi ne pas protéger nos données sous la forme juridique de ‘trusts’? Une proposition originale pour contribuer au débat sur l’application de traçage.
Un groupe de chercheurs propose une série de mesures protectrices dans le cadre des interventions numériques menées au nom de la lutte contre le COVID 19 dans une CORONAVIRUS (Safeguard) Bill , en particulier au regard des certificats d’immunité.
Au cœur d’un débat houleux sur les modalités opératoires d’une application numérique de traçage des contacts dans le cadre de la lutte contre le covid 19, l’INRIA défend le protocole développé par son équipe PRIVATICS pour la mise en œuvre du contact tracing.
Michel Foucault avait finement analysé les pratiques de gouvernement des corps dans le cadre des épidémies notamment au moyen de la quantification et de la statistique. Son analyse s’avère intéressante aujourd’hui pour comprendre les enjeux gouvernance de la crise au moyen d’outils numériques de surveillance.
Comment construire la paix en pleine pandémie? Une réflexion sur les risques liés à la surveillance et la désinformation via les réseaux sociaux pour la construction de la paix au temps du coronavirus.
Droit et libertés :
Les circonstances exceptionnelles de la lutte contre l’épidémie de Covid-19 sont utilisées par le gouvernement pour justifier l’expérimentation de nouvelles technologies de surveillance. La présente lettre identifie comment le droit positif encadre les différentes possibilités de recours aux données personnelles dans un objectif sanitaire, et dans quelle mesure ces dernières pourraient avoir pour conséquence de graves atteintes aux droits et libertés.
Institué par la loi du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid 19, l’état d’urgence sanitaire a suscité un nombre exceptionnel d’analyses doctrinales. Les différents aspects de ce nouvel état d’exception ont été passés au crible : de son processus de création à ses conséquences à long terme, de son utilité au regard des régimes de crises préexistants à l’effectivité des mécanismes de contrôle parlementaire et juridictionnel dont il est assorti. La présente lettre d’actualité recense, présente et confronte ces discours doctrinaux qui se saisissent de ce nouveau régime de restriction des droits et libertés pour apprécier plus largement l’état de la Vème République elle-même.
Droit constitutionnel :
Au titre des premières mesures législatives d’urgence destinées à répondre à l’épidémie de Covid-19, le gouvernement a proposé de suspendre les délais de QPC : tant le délai de transmission par le Conseil d’État et la Cour de cassation au Conseil constitutionnel que le délai de jugement par ce dernier. L’idée était d’anticiper d’éventuelles difficultés de fonctionnement des juridictions liées aux circonstances actuelles rendant impossible le respect les délais de procédure. Mais la solution choisie est loin d’être anodine. En écartant la règle de transmission automatique des QPC passé le délai de 3 mois, plutôt qu’un Conseil constitutionnel saisi automatiquement de tout, le législateur a choisi à l’invitation du gouvernement, un Conseil qui ne soit saisi de rien… ou, plus exactement, qu’il advienne, ce qui pourra. L’enjeu est d’importance. En effet, derrière une question en apparence technique (celle des délais), c’est la question des exigences prioritaires de l’État de droit en période exceptionnelle qui est posée : État de droit contre État de droit, en quelque sorte. Or les lois organiques étant automatiquement soumises au contrôle du Conseil constitutionnel, le principal intéressé par cet aménagement des délais a été amené à se prononcer sur sa constitutionnalité et le risque consécutif de priver d’effet utile tous les recours qui lui parviendraient tardivement contre les dispositions législatives relatives à l’urgence sanitaire. C’est cette décision rendue le 26 mars dernier que cet article analyse. Sans grande surprise quant à sa solution, elle n’en est pas moins riche d’enseignements : en période « particulière », la raison politique prime plus jamais sur la raison juridique.
Droit international :
An interesting international law perspective on the COVID crisis, with a specific focus on WHO and its role in the global governance of the pandemic. Quel rôle peut jouer l’ONU, à travers l’OMS, dans cette crise ?
The influenza pandemic from 1918-1919, commonly known as the ‘Spanish Flu’, was the most severe health disaster in recent history. Are there are hard-won lessons from this period, and similarities with the COVID-19 crisis? How armed conflicts can influence the ways we talk about and struggle to mitigate the current pandemic? Here
Union européenne :
Les dirigeants de l’UE ont examiné les mesures de sortie progressive et la stratégie de relance de l’UE. Le 23 avril 2020, ils se sont réunis par vidéoconférence pour se concentrer sur la stratégie de relance de l’UE. Charles Michel, président du Conseil européen, a présenté quatre priorités :
- le fonctionnement du marché intérieur
- une stratégie d’investissement de grande ampleur
- les actions extérieures de l’UE
- la résilience et la gouvernance de l’UE
Dans la perspective de la réunion, Charles Michel et Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, ont présenté une feuille de route européenne pour la levée des mesures de confinement liées à la pandémie de COVID-19.
Dans le contexte de la crise du Covid-19, les Parlements européens – y compris le Parlement européen – ont opté pour des positionnements parfois opposés. Ainsi, si une majorité d’entre eux s’est efforcée de maintenir une activité parlementaire par-delà les consignes de confinement (dont le Parlement européen), certains n’ont aucune activité ou sont suspendus. L’auteur questionne le rôle des parlements européens dans un contexte où les gouvernements ont adoptés des mesures d’urgence leur accordant des pouvoirs étendus.
On 8 May 2020, the European University Institute will host a special online edition of the annual The State of the Union Conference.Renowned international experts will discuss how Europe is managing COVID-19and its impact on health, the economy, global cooperation, citizenship and democracy.
Droit administratif :
Le maire de Sceaux ne peut imposer le port d’un masque de protection dans l’espace de sa commune a décidé le CE en appel dans une ordonnance du 17 avril 2020
Droit des entreprises :
Les pouvoirs publics ont évoqué récemment un début de déconfinement en date du 11 mai, quid des mesures possibles du côté des entreprises ? Ludovic Blanc, avocat au Barreau de Paris, spécialisé en droit social, recense les derniers textes révisés concernant les obligations de l’entreprise – ICI
Copropriété :
Le GRECCO (groupe de recherche sur la copropriété) a émis le 18 avril 2020 deux préconisations sur la tenue en présentiel des assemblées générales et sur la tenue à distance de ces derniers. Plus d’info ici.
Une ordonnance du 22 avril 2020 est venue modifier et compléter l’ordonnance du 25 mars 2020 afin d’adapter le droit de la copropriété au confinement. L’ordonnance est venue allonger la période pendant laquelle les contrats de syndic sont automatiquement renouvelés ainsi que la période dans laquelle le nouveau contrat de syndic doit prendre effet. L’ordonnance vient aussi apporter des précisions sur le mandat du conseil syndical et la rémunération du syndic.
Plus d’information lire ici ou ici.
Droit de la santé :
L’analyse de la data devient plus que jamais au cœur des processus décisionnels. Un arrêté du 21 Avril 2020 autorise et encadre la collecte des données personnelles de santé de tous les acteurs de la filière médicale par la Caisse Nationale de l’Assurance Maladie.
« […] Considérant que la capacité à mobiliser les données de santé est un axe essentiel de la lutte contre l’épidémie de covid-19 ; qu’il est nécessaire de suivre et d’anticiper les évolutions de l’épidémie, de prévenir, de diagnostiquer et de traiter au mieux la pathologie et d’adapter l’organisation de notre système de santé pour combattre l’épidémie et d’en atténuer les impacts ; que la plateforme des données de santé dispose de moyens informatiques de traitement des données susceptibles d’être mis à disposition à ces fins ; qu’une telle démarche rend nécessaire l’organisation de remontées de données du programme de médicalisation des systèmes d’information (PMSI) simplifiées et accélérées ».
Droit de l’environnement :
Alors que le parlement vote le plan de relance économique visant à aider les entreprises face aux effets économiques du Covid-19, le Haut Conseil pour le Climat demande à l’exécutif de placer la transition écologique et l’égalité sociale au cœur de la relance économique afin de renforcer notre résilience aux risques sanitaires et climatiques. Pour cela, ils font dix-huit recommandations pour y parvenir, et demandent notamment de conditionner les aides publiques destinées aux secteurs sinistrés à « des plans précis » en faveur du climat. A lire ICI.
Histoire :
L’attestation de déplacement est loin d’être une pratique inédite de « l’époque COVID-19 ». L’historien et chartiste Jérémie Ferrer-Bartomeu nous montre, à partir d’un document d’archive du début du XVIIIe siècle, que l’obligation de remplir une attestation à chaque déplacement remonte à l’Ancien Régime. Si dans le cas d’espèce nous sommes en 1720, après les épidémies de peste et de choléra, les attestations de déplacement ont été une pratique courante entre le XVIe et le XVIIIe siècle ; les habitants ne pouvant se déplacer par les portes des villes suivant leur plaisir.
Science politique :
An article on the Atlantic about Jacinda Ardern, the New Zeland prime minister, because gender might matter when talking about leadership in a time of crises. How will the COVID-19 crisis affect existing gender divides in Europe? The report is a first attempt to assess potential consequences of the covid-19 outbreak on women and
on gender equality in Europe
En tout début de la crise, nombre de voix s’étaient émues de la fermeture des frontières d’Etats touchés par le coronavirus. Les pays de l’Union Européenne ont finalement tous cédé à ce besoin d’un « sentiment de sécurité », de barrage à la circulation du virus. Comme le soulignent Frédérique Berrod et Pierrick Bruyas de l’Université de Strasbourg, il repose ici la question de la frontière et le risque de « fragmentation de l’Europe » (The Conversation).
Le politiste français Olivier Nay publie dans The Lancet un article sur l’impact de la crise sur les Droits humains. Il présente de nombreux risquent pour les démocraties: « fear could change the value citizens accord to freedom. As global biological and environmental threats increase, citizens might be disposed to give up some of their constitutional rights. The aspiration to security can quickly erode the desire for freedom. This aspiration can lead to individuals preferring the authority of a leader to the ethics of democratic discussion. Citizens might even call for the soft security of smart technologies and algorithmic governance”.
Relations internationales :
Les démocraties semblent avoir été particulièrement déstabilisées par la crise actuelle. Les États-Unis ont montré des failles que ses adversaires pourraient bien utiliser à l’avenir. Cet article s’intéresse aux principales leçons que les rivaux des États-Unis peuvent tirer et le dilemme de sécurité que cela posera aux États-Unis.
Avec la crise, les pays dits du Nord avaient l’opportunité de repenser leurs relations avec les pays des Suds et notamment du continent africain. Malheureusement, la représentation du continent dans les médias du Nord est restée stéréotypée et caricaturale regrettent ces deux chercheurs.
Divers :
Suite à notre précédente revue académique, relatant la sortie du décret DATAJUST, « opportune » dans la situation d’urgence sanitaire actuelle, voici un article qui questionne l’introduction « des techniques [de l’IA] dans le fonctionnement judiciaire » : Justice et intelligence artificielle, préparer demain : regards croisés d’une juriste et d’un mathématicien
Solidarity and Care during the COVID-19 Pandemic is a public platform that documents and reports on the lived experiences, caring strategies and solidarity initiatives of diverse people and groups across the globe during the COVID-19 pandemic.
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Contributeurs :
Frank BARAT, Monica CARDILLO, Carole COGNET, Caroline CROCQ, Delphine DOGOT, Sarah DURELLE-MARC, Sonia LE GOURIELLEC, Alicia MAZOUZ, Matthieu MEERPOEL, Delphine POLLET, Marion ROUSSEAUX, Valentina VOLPE
Article édité le 27 avril 2020
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